Les maladies hivernales des gazons

17 février 2022

Avec la baisse des températures et la diminution de la longueur du jour, la période hivernale amorce l’entrée en dormance du gazon. Parfois en quelques jours seulement, l’activité du métabolisme des plantes se réduit à néant. La plante rentre alors en léthargie. Cette dormance augmente considérablement les risques de dégradation du gazon par toute une série de facteurs.

Pour maintenir le gazon dans la meilleure forme possible, il convient donc de rester très attentif à un certain nombre de choses. Ce n’est qu’à ces conditions qu’il passera l’hiver sans trop d’encombres et qu’il sera dans la meilleure forme possible pour entamer la nouvelle saison. Les facteurs principaux sont :

le gel: le froid a une action létale sur certaines variétés ou sur des gazons affaiblis par un autre facteur (maladie primaire, compaction, fertilisation inadéquate en fin de période de croissance,…)

le piétinement: outre les problèmes liés à l’usure mécanique du gazon par le passage répété de machines ou de joueurs, l’utilisation hivernale du gazon crée souvent de graves problèmes de compaction.

la combinaison gel + piétinement: les cellules des plantes gèlent et sous la pression du passage (pied ou roue de machine) celles-ci éclatent et rendent la plante non fonctionnelle. La destruction du feuillage des graminées peut donc être partielle ou totale provoquant alors la mort des graminées. – les pathogènes: quelques maladies typiquement hivernales peuvent se développer selon les conditions climatiques et l’environnement (ombrage par exemple). Le développement de ces maladies est d’autant plus fulgurant que la plante au repos se trouve dans l’impossibilité de pouvoir mettre en œuvre ses mécanismes d’auto-défense comme elle le fait en période de croissance.

Les pathogènes

Nous allons développer ce point particulier. C’est en effet le seul sur lequel nous avons une influence dans le cadre d’une gestion raisonnée du gazon. Il existe un certain nombre de maladies hivernales mais les deux pathogènes les plus fréquemment rencontrés sont la fusariose froide et la pourriture grise des neiges.

La fusariose froide (Fusarium nivale) est une maladie très commune que l’on retrouve dans toutes les régions du globe dont le climat est humide et frais. Dans nos régions, cette maladie se manifeste de fin septembre jusqu’à la mi-mai. La fusariose froide provoque des dégâts surtoutes les graminées des régions froides (agrostides, fétuques, pâturins et ray-grass anglais) avec des différences marquées d’une variété à l’autre (surtout au niveau des ray-grass où l’on retrouve des cultivars modernes forts résistants à cette maladie. Comme pour bon nombre de maladies, le pâturin annuel (Poa annua) est particulièrement sensible à la fusariose froide. Les symptômes sont assez reconnaissables: des plages circulaires vert sombre de 5 à 30 cm (le diamètre varie en fonction de la hauteur de tonte) comprenant de leur contour à leur centre une zone vert foncé noirâtre (feuilles malades, pas encore mortes et ayant un aspect gras), une zone brune (feuillage mort) couverte ou non d’un mycélium cotonneux blanchâtre ou rosâtre et dans la partie centrale une zone dépourvue de gazon au niveau de laquelle se développe souvent des algues noires puis du pâturin annuel (recolonisation). La conservation des spores de ce champignon se fait uniquement au niveau des débris végétaux et principalement au niveau du feutre (accumulation de débris végétaux dans une couche située entre la partie foliaire et les racines). La dissémination se fait par les spores moyennant des vecteurs actifs (matériel, chaussures, animaux,…) lorsque l’humidité est importante (présence de rosée) et la température comprise entre 0 et 10 °C. Il n’y a jamais d’activité lorsqu’il gèle mais celle redouble souvent directement après une période de froid intense. Outre l’entrée en dormance du gazon, les facteurs favorisant le développement de cette maladie sont l’humidité permanente (brouillard ou rosée), les sols compacts et mal aérés, les pH élevés et une fertilisation pauvre en potassium et trop riche en azote en automne.

La pourriture grise des neiges (Typhula incarnata) se retrouve dans toutes les zones où les hivers sont frais et humides et presque toujours après une période de neige. C’est une maladie qui était très rare par le passé dans nos régions et qui provoque de plus en plus de dégâts surtout au niveau des gazons extensifs. Il existe désormais des variantes de cette maladie dont les souches sont capables de se développer sans neige et que l’on peut encore diagnostiquer pendant un certain temps au printemps. Il s’agit de plaques parfois très grandes (plus de 80 cm) couvertes par un mycelium épais de couleur gris clair que l’on découvre directement après la fonte des neiges. Cette maladie n’épargne aucun gazon mais on note ici encore, une sensibilité extrême du Poa annua visà-vis de ce pathogène. La maladie est très délicate à gérer car elle apparaît toujours en dessous de la couche de neige lorsque les températures y sont positives et surtout lorsque le sol est humide. Il est dès lors extrêmement dangereux d’avoir une couverture de neige sur un gazon qui n’a pas gelé. Tout comme il est dangereux de laisser une fine pellicule de neige sur le gazon lorsque le soleil brille. Même s’il gèle très fort, la couche de neige va provoquer un effet de serre et la température va monter au niveau du sol en favorisant le développement de sclérotes (organe de dissémination analogue aux spores).

Quels moyens mettre en œuvre?

Le gazon en dormance est particulièrement sensible aux pathogènes hivernaux vu qu’il est incapable d’activer les processus biochimiques d’auto-protection. Il faut donc miser sur toute une série de techniques et méthodes qui vont permettre de limiter tant que possible l’apparition ou le développement de ces maladies. Certaines doivent être mises en œuvre au jour le jour, tandis que d’autres s’envisagent plus dans une démarche à long terme.

Parmi les moyens techniques sur le long terme, on peut citer les interventions suivantes :

– L’utilisation de variétés ou de cultivars résistants lors des semis d’un green ou d’un gazon. Ces mêmes variétés doivent également être utilisées lors d’un sursemis ou d’une rénovation, afin de remplacer le pâturin annuel.

– Le contrôle du feutre par des techniques culturales (ou biologiques) en saison permet de réduire le potentiel d’agents pathogènes actifs (le fait office de réservoir à maladies)

– La fertilisation raisonnée en azote en fin de saison, l’apport de potassium et le contrôle du pH doivent être envisagés sur base d’un bulletin d’analyse (à réaliser en fin de saison en général)

– L’entretien mécanique (aération pour décompacter le sol) et l’assainissement des zones humides constituent des moyens préventifs prioritaires pour limiter les risques de développement des maladies hivernales. Dans le cas du Typhula, l’évacuation de la neige lorsque c’est possible constitue un moyen préventif efficace.

– Il est par ailleurs également intéressant de pouvoir contrôler l’ombre, mais dans la pratique, ce n’est cependant pas toujours possible.

D’autre part, un certain nombre d’interventions seront également nécessaires au jour le jour afin de protéger tant que possible le gazon :

– L’élimination de la rosée permet de réduire de plus de 50 % les attaques de fusariose.

– L’utilisation raisonnée du gazon pendant la dormance va également permettre de réduire les risques de maladies. Sur un terrain de golf, les greens provisoires en hiver permettent de résoudre en grande partie ce problème. Pour les clubs de football, c’est par contre une autre paire de manches. Il n’est en effet pas possible de prévoir un deuxième stade, et la majeure partie des matchs se joue de plus pendant la période de dormance du gazon. C’est pourquoi des techniques telles que le chauffage du sol ou encore l’éclairage du gazon s’observent de plus en plus souvent. Ces techniques permettent de lever en partie la dormance du gazon et donc d’augmenter sa résistance face aux maladies.

– L’apport d’auxiliaires biologiques se généralise. Ces techniques s’affinent et offrent une solution suite à la mise en application du zéro phytos pour bon nombre de terrains. Ces auxiliaires biologiques doivent cependant être utilisés dans des conditions bien précises et il convient donc de se faire conseiller par un spécialiste en la matière.

L’ensemble de ces points d’attention vont permettre de limiter les risques de dégâts causés par ces maladies. Cependant, rien ne remplace une surveillance quotidienne du gazon. De plus, et comme le cycle de ces maladies est très court, il convient d’intervenir dès l’apparition des symptômes, en plus des actions préventives déjà mises en œuvre.

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