« Le golf pour tous » à Mont Garni

19 décembre 2022
Peter Menten
Peter Menten

« Le golf doit être accessible à tous ». C’est avec cette devise qu’Eric van der Schueren, propriétaire de Mont Garni, entend fêter le 32e anniversaire de ce club de golf. Nous avons eu en ligne un président de club qui connait le golf sous toutes ses facettes, mais aussi les objectifs qu’il veut atteindre. Eric van der Schueren est donc le président et propriétaire du célèbre club de golf de Baudour situé en Wallonie, entre Beloeil et Mons, et fondé en 1990 par son père, Roger van der Schueren»

De la ferme au club de golf

Eric van der Schueren: « Au milieu des années 80, nous avons remarqué que le nombre de golfeurs doublait chaque année. En 1985, la Belgique comptait 8000 golfeurs; deux ans plus tard, leur nombre s’élevait à 16 000. Plusieurs familles de propriétaires terriens ont alors décidé d’aménager un terrain de golf. On peut citer le Golf Château de la Bawette de la famille Le Hardy de Beaulieu, le Golf de Liège- Gomzé de la famille Rolin Jacquemyns, le Winge Golf & Country Club de la famille Roberti de Winghe… »

En 1985, la famille van der Schueren leur emboîte le pas. Roger van der Schueren, brasseur et père d’Eric, décide alors de transformer une partie du domaine de 150 hectares en terrain de golf. Il souhaite également développer une autre activité commerciale à côté de l’exploitation existante composée de cultures arables. À la fin de 1987, il obtient le permis de construire et en mai 1990, les premiers golfeurs peuvent frapper la balle. Pendant les dix premières années, les sœurs d’Eric ont géré l’entreprise. En 2000, il achète toutes les actions afin de devenir ensuite propriétaire-gérant du club. Sur un total de 80 hectares, le terrain de golf occupe 65 hectares. Le reste est constitué de terres agricoles qui sont louées. Au total, Mont Garni compte donc 50 ha à tondre, dont 88 de greens et de putting greens, un petit hectare de tees et 16 ha de fairways. Le reste est constitué de roughs, de bois et d’écozones. Tout indique que l’écozone s’étendra dans les années à venir pour renforcer la biodiversité.

Un trèfle à trois feuilles comme symbole d’une gestion saine d’un terrain de golf

Eric van der Schueren utilise la symbolique du trèfle à trois feuilles lorsqu’il s’agit de la gestion d’un terrain de golf dont la réussite dépend de la réunion de trois conditions:

  1. Un bon entretien et donc un parcours de qualité
  2. Un parcours accessible à un prix abordable pour tous
  3. Un parcours jouable qui réjouit les joueurs

Jouer au golf doit être une « expérience »

Entretien

Eric: « Il faut savoir que notre fédération, l’AF Golf (Association Francophone belge de Golf), a signé une convention avec la Fondation GEO. Cette organisation internationale fondée vers 2006 a pour vocation d’inspirer, de soutenir et de récompenser les actions de durabilité, mais aussi de promouvoir la valeur sociale et écologique du golf. En cosignant cette charte, nous exprimons notre engagement à travailler de manière écologique, dans le respect de la nature. À titre d’exemple, nous aérons régulièrement les greens pour apporter de l’air et de la lumière au sol. En outre, nous cherchons depuis 5 ans à prendre des mesures pour réduire, voire arrêter, l’utilisation des pesticides. Nous sommes bien conscients que seules une réflexion et des actions écologiques proactives peuvent redorer l’image du golf auprès du grand public sans devoir attendre les interventions des pouvoirs publics. Nous entrons dans une ère où il devient important de prendre ses propres responsabilités. Les pays scandinaves montrent la voie à cet égard. En Belgique, et plus particulièrement en Wallonie, nous avons affirmé clairement ne pas être contre l’objectif zéro- phyto. Mais, en cas de danger ou de force majeure, nous devons avoir certains filets de sécurité. »

GreenTechPower: « Qu’entendez-vous par ‘certains filets de sécurité’? »

Eric: « Certains terrains de golf en Belgique sont infectés aujourd’hui par des champignons comme le Dollar Spot ou la Fusariose qui « dévorent » la pelouse qui finit par mourir. Ce n’est pas récupérable. Nous voulons donc pouvoir intervenir le cas échéant, mais uniquement en cas d’urgence. Il s’agit de penser à long terme, de réfléchir et de travailler dans une optique de durabilité. En tant que club(s) de golf, nous voulons jouer un rôle de premier plan dans ce domaine. L’AF Golf a décidé de faire des tests sur de vrais greens. Dans le cadre du programme Green Care d’AF Golf à Rigenée, des tests ont été menés en 2021 avec des résultats probants. Nous nous sommes donc engagés à faire de même ici sur un putting green. Si nous pouvons poursuivre dans ce sens, nous aurons deux zones d’essai: une à Rigenée et une ici. Sur une parcelle de 4 à 5 acres, il est possible de tester un certain nombre de produits côte à côte et également une zone de contrôle sans produits. Afin de mener à bien ces tests et ces recherches, nous devons trouver – avec la fédération de golf ensemble – un budget. »

GTP: « Quelles actions les terrains de golf eux-mêmes peuvent-ils entreprendre? »

Eric: « D’une part, certaines mesures doivent être prises ensemble en tant que fédération afin de peser sur les politiques et de diminuer les coûts qui seraient plus importants sans action commune. À Mont Garni par exemple, nous nous efforçons de réduire la consommation d’eau. Les clubs de golf ont en effet la réputation d’utiliser beaucoup d’eau pour garder leurs terrains verts. Ce n’est pas le cas pour nous, car en 2021, nous avons revu notre système d’arrosage et depuis, seuls nos greens sont arrosés. Pour le reste, nous laissons faire la nature. Si demain un gouvernement nous oblige à utiliser moins d’eau, je répondrai que j’ai besoin de tant de mètres cubes par an pour mes légumes. Nous prenons certaines mesures en prenant compte de nos besoins. Et je pense que nous pouvons aller encore plus loin. À un moment donné, nous allons changer le tee shot par des tapis synthétiques. Telle est ma vision à moyen terme: plus de vert, une utilisation économe de l’eau et le tee shot en matière synthétique. Nous économisons ainsi des heures de travail, du temps et du diesel. Ces changements coûtent de l’argent, mais une fois mis en place, vous pouvez être serein pendant 10 ans.

Comme je l’ai mentionné plus haut, une grande partie de notre terrain est entourée d’écozones. Outre les avantages pour la biodiversité, leur création nous permet d’économiser du temps, des heures de travail et du carburant.

GTP: « Vous avez également parlé de résilience. Qu’entendez- vous par là? »

Eric: « Nous faisons face à un problème et que devons-nous faire pour le résoudre sans déséquilibrer tout le reste? Renforcer notre résilience. Le moyen d’y parvenir est de rassembler nos idées et d’oser examiner les actions entreprises ailleurs. Les pays scandinaves sont plus avancés que nous à cet égard, comme je l’ai mentionné précédemment. Dans ce contexte, je préconise également un renforcement des contacts entre les présidents ou les responsables de clubs. Et l’idée ne fait pas encore l’unanimité.

Permettez-moi de citer quelques exemples. Nous avons progressivement commencé à expérimenter d’autres variétés de semences de gazon. Au début, nous utilisions Paturin, c’est-à-dire des semences naturelles. Au fil du temps, au lieu d’utiliser Paturin ou Poa, nous avons continué à semer avec Festuc et Agrostis depuis au moins cinq ans. Paturin donne toujours de beaux résultats, mais il faut tondre chaque jour et utiliser beaucoup d’eau. D’où le risque accru de champignons. Avec les deux autres produits, il n’est pas nécessaire de tondre tous les jours et d’utiliser beaucoup d’eau. Les risques de maladies sont donc moindres. Dans ce domaine aussi, nous pensons de manière proactive et nous renforçons la résilience. Le terrain de golf est constitué de loam sableux avec 11 % d’argile. Ainsi, en cas de sécheresse, ces nouvelles variétés seront plus résistantes aux conditions climatiques et nous n’aurons pas à donner plus d’eau. Au niveau de la combinaison des variétés d’herbe, du sol et du climat, nous avons bien anticipé l’avenir. »

L’entretien

GTP: « Vous avez externalisé l’entretien depuis 2 ans? »

Eric: « En mars 2020, nous avons décidé d’intégrer nos ouvriers à l’effectif de Jardin Net. Ils travaillent donc physiquement en terrain connu, mais ils sont gérés depuis Jardin Net. Jardin Net a pris en charge notre parc de machines, ce qui nous a permis d’externaliser l’entretien technique. Les semences, les engrais ou les pulvérisations continuent de rester sous ma responsabilité.

Jardin Net travaille à Louvain-La-Neuve, la Bawette, Mont Garni, Steenpoel golf club Dilbeek, Durbuy, Méan… et ils sont très actifs dans l’entretien des terrains de football. »

« Tout est entre de bonnes mains avec Jardin Net. Par conséquent, je ne dois plus me soucier des problèmes de personnel, de machines qui doivent être réparées ou qui tombent en panne. Ces dernières années, la concurrence en termes d’offre de machines s’est amoindrie. Dans le passé, si vous aviez besoin d’une machine, vous pouviez choisir parmi plusieurs marques et distributeurs. Aujourd’hui, ces marques sont détenues par deux entreprises aux Pays-Bas et une en Belgique et les machines coûtent de plus en plus cher. Une tondeuse autonome coûte facilement plus de 100 000 euros. Nous ne pouvons pas rentabiliser cette machine en tant que club de golf. Si l’entretien est entre les mains d’une plus grande entreprise, qui achète plusieurs machines, elle a également une position de négociation plus forte lors de l’achat, ce qui lui permet d’acheter à des conditions différentes. »

GTP: « Qui vous conseille sur les techniques de culture? »

Eric: « Nous avons un consultant, notre ancien greenkeeper Jean- Marc Dockier, qui est maintenant indépendant et travaille aussi pour d’autres golfs et terrains de sport. Le terrain est donc géré par Jean-Marc Dockier, Jardin Net et moi-même. Nous prenons toutes les décisions d’un commun accord et cela fonctionne bien. Jean- Marc se spécialise notamment dans le zéro-phyto. Et la raison pour laquelle je voulais m’engager ici auprès de Green Care est qu’il est également consultant pour AF Golf. Il s’y connaît et dispose de tous les équipements pour venir faire ses tests sur nos terrains. »

Club de golf Mont Garni: le Golf pour Tous

Eric: « J’accorde une attention toute particulière à l’entretien, mais aussi au fait que le golf doit être accessible à tous, en pratiquant notamment des prix abordables, surtout dans ces temps de crise économique. Cette politique est essentielle pour garder nos joueurs actuels et en attirer de nouveaux. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé d’en faire la promotion pour cette saison à partir du 15 octobre sous le nom de « Le Golf pour Tous ». Les personnes de plus de 36 ans paient 1250 euros par personne et 2100 euros en couple. Plus la cotisation annuelle fédérale d’environ 60 euros. En saison, le green fee est de 55 euros pour tous.

Mais ces mesures ne tombent pas du ciel et s’inscrivent dans le long terme. Beaucoup pensent encore que le golf est réservé aux riches. Cette vieille image persiste et elle peut être encore vraie pour certains clubs. Mais ce n’est pas notre vision. Nous sommes à la campagne ici, il n’y a pas vraiment de gens très riches. Pour moi, le prix reste donc un facteur démocratique très important: s’agit-il de jouer au golf ou non? Plusieurs collègues doutent de mon approche, mais nous verrons dans les prochaines années. Il est important d’assurer un afflux suffisant et de veiller à ce que les joueurs s’amusent. »

Un terrain de golf doit rester jouable

Eric: « L’autre point important: un parcours de golf doit rester simple. Si quelqu’un vient jouer et obtient une bonne carte de score, il ou elle reviendra. S’il aime y jouer, il en fera même la promotion. J’ai moi-même joué sur plusieurs parcours dans le monde entier et il est incroyable de voir les tours de passe-passe que l’on doit parfois effectuer sur certains parcours.

GTP: « Que fait un président de club de golf? »

Eric: « Je suis propriétaire du terrain et je dirige les deux sociétés qui le gèrent. Pour cette raison et pour assurer une meilleure gestion, j’ai confié l’entretien à Jardin Net. Je peux ainsi me concentrer sur d’autres tâches telles que les compétitions, les aspects commerciaux, la gestion de l’équipe administrative… Cette polyvalence me permet de donner une touche personnelle au club. Si j’étais plus éloigné de la gestion quotidienne, la qualité ou, disons, le caractère familial du club se détériorerait alors que c’est la principale raison pour les joueurs de venir jouer ici. Il s’agit de trouver un équilibre entre le contrôle et la confiance. La confiance est une bonne chose, mais le suivi est nécessaire. Étant en pension, je peux consacrer suffisamment de temps à mon golf. »

GTP: « Quels contacts entretenez-vous avec les autres clubs? »

Eric: « La tâche de la fédération consiste donc à réunir les différents clubs. J’ai proposé d’organiser la table des présidents avec 4 rencontres par an. Ce faisant, nous devrions pouvoir rassembler nos idées dans l’amitié et la décontraction. La première étape pour moi est de commencer par les présidents des clubs. Et déjà de grandes différences se font jour: dans un club, le président est le propriétaire et le gestionnaire, dans l’autre, il est le président de l’association et possède d’autres pouvoirs. Par conséquent, des présidents différents ont ou peuvent avoir des préoccupations différentes. Par exemple, de nombreux clubs de golf n’étant pas propriétaires du terrain, leurs priorités peuvent différer, surtout à long terme. Ce sont généralement les présidents des plus petits terrains de golf qui veulent s’asseoir autour de la table. »

GTP: « Votre proposition d’une table ronde des présidents, la voyez-vous dans toutes les régions? »

Eric: « Je pense que nous devrions commencer ici, dans notre golfe AF, en Wallonie. Peu de personnes y parlent deux langues, et encore moins l’anglais. C’est déjà un premier obstacle. Au GAB (Greenkeepers Association Belgium), ils ont décidé d’organiser la réunion pour les francophones et les néerlandophones séparément. Mais une traduction coûte cher et prend du temps. Par ailleurs, nous avons aussi nos différences culturelles. Cependant, je n’exclus pas que si tout se passe bien, nous puissions aller plus loin. Si l’on commence « petit » et que cela fonctionne, tout peut se développer organiquement. Mais il faut du temps. Il est important aussi d’apprendre à connaître ses collègues.

GTP: « Comment voyez-vous l’évolution du golf? »

Eric: « Je pense que le nombre de golfeurs ne cessera de croître à condition que les prix restent abordables. Je suis également convaincu que nous n’avons pas vraiment besoin de construire plus de terrains de golf en Wallonie, car la place manque tout simplement. De plus, cela n’aura pour effet que de répartir les joueurs sur plusieurs terrains de golf et donc de faire baisser la rentabilité de chaque terrain voisin. Il est donc important de mieux « remplir » les terrains de golf actuels. Je prévois que nous serons en mesure de compter un peu plus de 500 membres cette année. Mais je peux aller jusqu’à 650 sans problème. Il y a 18 trous.

Nous devons également prêter attention au fait que les gens, quel que soit leur âge, jouent de plus en plus 9 ou 12 trous au lieu de 18. Aux États-Unis, par exemple, on construit uniquement des parcours de 9 trous. Un 18 trous peut être divisé en 2. Si les joueurs ne jouent que 9 trous, on peut ainsi doubler la capacité d’un parcours. Nous avons ici environ 60 % de joueurs plus âgés qui ne jouent pas de 18 trous, mais aussi des jeunes qui ont peu de temps et qui, par exemple, viennent le matin avant le travail pour s’exercer. La mise en place de compétitions de 9 trous (au lieu de 18) aurait un impact positif sur l’aspect sportif de la compétition. Jouer 18 trous demande au moins 4 heures avec tout l’avant et l’après; c’est donc l’investissement d’une journée entière lol. Ainsi, pour beaucoup, le golf reste trop cher et prend trop de temps. Il faut donc repenser ces deux paramètres. »

Eric van der Schueren

« Je joue au golf depuis l’âge de 8 ans, soit depuis 60 ans. Nous vivions à Spa à l’époque, si près du terrain de golf qu’il était impossible de ne pas succomber à l’appel de ce sport. Mes parents étaient d’accord pour le tennis, mais les courts se situaient à une plus grande distance que les terrains de golf. Ce fut donc le golf. J’étais sur le terrain tous les jours, travaillant avec le caddy master ou jouant moi-même au golf. Puis nous avons déménagé ici et nous avons même été membres du Royal Golf Club du Hainaut pendant 15 ans avant de lancer cette entreprise. Comme nous vivions ici les week-ends et pratiquions ce sport pendant notre temps libre, nous étions membres dans le Hainaut. » §

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