Du diesel à partir de bois

11 mars 2021
Peter Menten et Alexander Böck
Peter Menten & Mercedes-Benz

Le diesel est l’un des carburants qui est actuellement le plus remis en question. Est-ce que cela paie encore de dépenser beaucoup d’argent pour faire des recherches à ce niveau? Nous avons posé cette question à Hermann Hofbauer, qui dirige le Groupe de travail sur la technologie de l’énergie durable, et mène des recherches à l’Université technique de Vienne.

Le terme ‘diesel’ est, à juste titre, associé négativement à la mobilité et à la pollution atmosphérique. Cela est dû, d’une part, à l’utilisation de pétrole fossile comme combustible et, d’autre part, à sa composition chimique. Le diesel Fischer-Tropsch, qui est mieux connu sous le nom de diesel à partir de bois, obtient un bien meilleur score environnemental dans ce domaine.

Mieux dans quelle mesure?

Le diesel de bois se compose principalement de molécules à longue chaîne et est exempt de soufre, d’azote, d’asphaltènes et d’aromates. Pourtant, ce combustible a la même trajectoire de cuisson que le diesel fossile. Cela assure une combustion plus efficace et une réduction des émissions de substances nocives pour l’environnement.

GreenTechPower: ‘Le diesel de bois présente donc des avantages écologiques par rapport au diesel fossile?’

Hermann Hofbauer: ‘Oui, très certainement. Diverses études montrent également un potentiel d’économie de plus de 80% en ce qui concerne les émissions de CO2 pour le diesel de bois. Une étude basée sur le nombre de kilomètres parcourus en voiture a montré que, pour un itinéraire déterminé, 180 grammes d’équivalent CO2 pouvaient être attribués au diesel fossile et seulement 20 grammes au diesel bois. De plus, l’utilisation du diesel de bois réduit les émissions de particules d’environ 80% et celles d’hydrocarbures organiques de 60%.’

GTP: ‘Est-il nécessaire de transformer les moteurs pour ce type d’utilisation?’

Hofbauer: ‘Le diesel de bois est un carburant ‘drop-in’. Les moteurs diesel traditionnels peuvent être utilisés avec n’importe quel rapport de mélange de diesel de bois et de diesel fossile, mais aussi avec 100% de diesel de bois, sans restriction.’

GTP: ‘Comment ce type de diesel est-il produit?’

Hofbauer: ‘Les macromolécules présentes dans la biomasse ou le bois sont converties en un ‘gaz produit’ composé principalement d’hydrogène et de monoxyde de carbone pendant le processus de production de gaz. Le gaz produit résultant doit être nettoyé. Grâce à une ligne d’équipement de synthèse, il est ensuite converti en hydrocarbures avec la longueur de chaîne désirée.’

GTP: ‘Est-il possible d’utiliser toutes les sortes de bois?’

Hofbauer: ‘L’utilisation de copeaux de bois de différentes qualités et essences pour la production de gaz a déjà été essayée et testée à l’échelle industrielle. Le type de bois ne détermine pas son utilisation. D’un point de vue écologique, cependant, il faut utiliser le bois d’énergie renouvelable ou les qualités qui ne peuvent pas être recyclées, comme le bois endommagé, par exemple.’

GTP: ‘Est-il possible d’utiliser d’autres matières de cette façon afin de les valoriser en tant que carburant?’

Hofbauer: ‘Oui. Ces dernières années, des recherches ont déjà été menées sur les flux de déchets biogéniques provenant de l’agriculture, mais aussi sur les fractions triées des déchets ménagers ou industriels. Toutefois, cela n’a pas encore été testé à l’échelle industrielle. Le terme matière biogénique désigne des matériaux d’origine biologique ou organique.’

GTP: ‘Quel est le coût de ce carburant?

Hofbauer: ‘Le prix du diesel de bois dépend beaucoup de la taille du système de production et du prix du bois. Aan un prix du bois-énergie de 50 à 100 euros par atroton*, le coût de production du diesel de bois va de 1,15 à 1,40 euros par litre pour une installation de 10 MW de puissance (sans taxes et frais de transport). Si l’on compare avec le prix du marché du diesel fossile, soit environ 1,2 euro le litre, il est clair que le diesel de bois peut être très compétitif.’

GreenTechPower: ‘Est-il possible de réduire encore ces coûts?’

Hofbauer: ‘Une fois la technologie établie et la mise en circulation d’un plus grand nombre de systèmes, on s’attend à ce que les coûts d’investissement puissent être réduits de 25 %. Sur une plus longue période, les coûts de production pourraient être réduits de 10 à 20 % au cours des prochaines années. Sans subventions. Si nous voulons subventionner, une subvention d’investissement pour les usines de diesel de bois de 25 à 50 %, une subvention d’exploitation pour le diesel de bois de 0,15 à 0,40 euro le litre ou une taxe sur le CO2 sur le diesel fossile de 60 à 120 euros par tonne de CO2 peuvent rendre ce carburant très attractif pour le consommateur et augmenter les chances du diesel de bois.’

GreenTechPower: ‘Combien de temps devra-t-on attendre pour que la technologie puisse être utilisée dans la pratique? Est-il possible d’accélérer ce processus?’

Hofbauer: ‘Dans ce contexte, l’UE a introduit la définition du Technology Readiness Level (TRL, ou niveau de préparation technologique). Ce concept de la NASA évalue les technologies en développement sur une échelle de un à neuf. Par exemple, la production de gaz elle-même est évaluée avec le TRL le plus élevé de neuf, car elle a été largement essayée et testée à l’échelle industrielle. Le TRL pour la production de diesel de bois est classé avec un TRL de six à huit. Par conséquent, la première étape consiste à construire et à exploiter un véritable laboratoire pour optimiser les processus complets de production de diesel de bois et de gaz de bois. Si tout va bien, la technologie pourrait être ‘mûre’ dans quelques années. Mais nous nous sommes fixés comme objectif de généraliser la technologie d’ici 2035 afin que l’agriculture et la foresterie soient exemptes d’énergie fossile.’

GTP: ‘Voyez-vous des opportunités pour des exploitations individuelles, des grandes villes ou des communautés d’entreprises qui construiraient de tels systèmes à l’avenir et produiraient ainsi leur propre diesel?’

Hofbauer: ‘Pas directement. Les coûts de production du diesel de bois dépendent fortement de la taille de l’usine de gazéification. Le coût de production n’est compétitif qu’avec une puissance thermique installée d’environ 50 MW. Les coûts d’investissement d’une installation d’une capacité de 50 MW s’élèvent à un peu plus de 100 millions d’euros. Par conséquent, la création de petites entreprises individuelles ne me semble pas réalisable. Toutefois, la production de diesel de bois dans le cadre d’une économie circulaire serait très attrayante pour les grandes coopératives agricoles et forestières.’

Les carburants Fischer-Tropsch

Les carburants Fischer-Tropsch sont une alternative possible au pétrole. Vers 1920, les chercheurs allemands Fischer et Tropsch ont mis au point un procédé de conversion d’un mélange gazeux de monoxyde de carbone (CO) et d’hydrogène (H2) en combustible liquide. Pour cela, ils ont utilisé un catalyseur à base de fer. Le produit final se composait des trois quarts de diesel de charbon. La partie restante se composait principalement de naphta à partir de laquelle l’essence synthétique peut être fabriquée, ainsi que d’une petite quantité de GPL.

Fonctionnement d’un générateur de gaz au bois

Sur la gauche, le bois est importé et chauffé. Les gaz libérés sont ensuite dépouillés de particules plus grosses, refroidis et filtrés à nouveau. Le gaz de bois est ensuite mélangé avec de l’air afin d’être injecté directement dans un moteur à combustion interne.

Le générateur de gaz de bois sur les véhicules

Pendant la Seconde Guerre mondiale, et en raison d’un manque d’essence, le gaz de bois a été largement utilisé comme carburant pour les voitures. Une installation, le générateur de gaz de bois, était montée sur le véhicule. Avec suffisamment d’oxygène, le gaz de bois brûle, mais en retirant l’oxygène, le gaz peut être collecté. Il est d’abord guidé le long des filtres où l’eau, le goudron et d’autres solides sont enlevés. Le gaz nettoyé est brûlé dans le moteur. Trois à quatre kilos de bois correspondent donc à un litre d’essence. Avec un moteur standard, la puissance diminue d’environ 20%.

Et cela continue…

En Suède, les voitures pourront bientôt rouler avec du carburant à partir de copeaux de bois. La société néerlandaise BTG-BTL, en collaboration avec le groupe pétrolier et gazier TechnipFMC, concevra et construira une usine où le bio-pétrole brut peut être fabriqué à partir de déchets de bois. L’ouverture estprévuepourcetteannée.L’usineseraconstruiteàcôtéd’unescierie appartenant au fournisseur de bois suédois Setra à Gävle, une ville située à environ 170 kilomètres au nord de Stockholm. L’endroit est un choix délibéré, parce que la sciure de bois est abondante ici sur place et aucun moyen de transport n’est nécessaire.

Chaque année, l’usine transforme entre 35.000 et 40.000 tonnes de déchets de bois en bio-pétrole brut. C’est possible grâce à une technologie spéciale appelée pyrolyse. Le pétrole brut organique est ensuite transformé dans une raffinerie en carburant de transport pour les voitures, les navires et les avions. La raffinerie est située sur la côte ouest de la Suède, de l’autre côté du pays.

Comment cela fonctionne?

Grâce à la pyrolyse, littéralement ‘diviser par le feu’, la biomasse est convertie en pétrole brut en la chauffant à environ 500 degrés Celsius sans oxygène. Dans la nature, ce processus prend plusieurs millions d’années, mais grâce à une innovation néerlandaise, cela peut maintenant être réalisé en quelques secondes. Des scientifiques de l’Université de Twente ont découvert cette technique de pyrolyse rapide il y a une trentaine d’années. Pour fabriquer du carburant de transport, le bio-pétrole brut est mélangé à d’autres combustibles biologiques ou fossiles. Cela crée une essence et un diesel qui se compose en partie de pétrole plus durable.

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